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NELLY MONNIER & ERIC TABUCHI ATLAS NORMANDIE


29 JUIN > 26 OCTOBRE 2024 | ESPACE EXPOSITION

 
Nelly Monnier & Eric Tabuchi, Atlas Normandie (vue de l'exposition) © Mathieu Lion

Proposée dans le cadre du festival Normandie Impressionniste 2024, l’exposition Atlas Normandie présente le travail de Nelly Monnier et d’Eric Tabuchi et fait suite à une résidence hivernale sur le territoire normand.

Photographes et plasticiens, ces deux artistes ont associé leurs pratiques pour entamer en 2017 le projet ARN (Atlas des Régions Naturelles), se donnant pour mission de photographier les quelque 450 régions naturelles de l’hexagone. Cinq volumes ont à ce jour été édités, le projet devant à terme compter une trentaine de tomes.

Le terme “région naturelle“ ou “pays“ désigne des territoires de petites tailles dont les limites renvoyant à leurs caractéristiques naturelles sont - par opposition aux départements administratifs issus de la Révolution - difficiles à tracer. S’il est impossible d’en définir exactement les formes, leurs frontières physiques et géologiques mais aussi historiques et culturelles persistent à dessiner, dans une sorte de tradition orale, les contours d’une géographie dont la vivacité demeure bien réelle.


Ces territoires, Nelly et Eric les ont sillonnés afin d’explorer non seulement le paysage, mais surtout les manières culturelles de l’habiter et de le transformer. Les routes, les habitations, les commerces, les initiatives individuelles de construction, la typographie des enseignes, les noms de villages : ils traquent à la fois les invariants, les particularismes et les écarts à la norme qui, en se croisant, définissent une physionomie de nos modes de vies et de nos identités. À l’ivresse de la vitesse inhérente à notre monde contemporain, Nelly Monnier et Eric Tabuchi opposent l’éloge de la lenteur et des petites routes. C’est dans leur voiture, à vitesse réduite, qu’ils sillonnent discrètement le paysage, ponctuant cet atlas d’innombrables arrêts. Ils nous donnent à voir un catalogue des manières de vivre et de construire où le sublime côtoie l’insolite.

Le parpaing, la brique, l’ardoise, la tôle ou la tuile nous disent autant la mondialisation que la volonté individuelle d’habiter le monde et d’exister de manière singulière. Leur regard est frontal, le ciel souvent couvert n’est pas là pour afficher une forme de déprime d’un monde en crise, mais pour tenter de le représenter dans l’étendue la plus large de ses détails et de ses nuances.


Si l’Atlas est vaste et ambitieux par sa taille, il ne relève pas que d’une seule approche scientifique et documentaire : esthétique et sensible, le projet est sans cesse évolutif et se nourrit de ses découvertes.

Et s’il paraît parfois moqueur, c’est pourtant avec tendresse qu’il nous engage à scruter enfin ces paysages que nous avons tellement vus, mais, peut-être, si peu regardés.


Le 15 avril 1874, au 35 boulevard des Capucines à Paris, s’ouvrait sous la grande verrière de l’atelier du photographe Nadar, La Première exposition d’un groupe de peintres que le critique d’art Louis Leroy qualifiera péjorativement d’impressionnistes, parmi lesquels Boudin, Cézanne, Degas, Pissaro, Renoir ou encore Sisley. Au-delà de la révolution technique et coloriste mise en œuvre dans leur travail pictural, c’est toute une régénérescence des sujets qui est alors mise en œuvre, les artistes échappant aux grands thèmes historiques, mythologiques ou religieux et aux typologies académiques pour apporter un regard nouveau sur leur environnement le plus proche.


Saisis le plus souvent sur le motif, ces sujets se nourrissent «de l’époque, de la mode et de la passion (...)» pour reprendre l’expression de Baudelaire dans son recueil Le Peintre de la vie moderne 1 . Les impressionnistes trouvent leurs inspirations dans les formes d’un monde urbain et populaire en pleine mutation : scènes de gare, de bistrot ou de guinguette, de bordels et de bals, de petits métiers et de bourgeois chapeautés, d’usines fumantes et de machines à vapeur. Cette passion du moment et de l’instantané, ils la partagent avec les photographes qui, de Charles Nègre à Gustave Le Gray, bientôt suivis d’une foule d’anonymes, entameront la mise en image minutieuse de notre environnement.



À l’heure où sont célébrés les 150 ans de l’Impressionnisme, le projet conduit par Nelly Monnier et Eric Tabuchi met en résonnance les liens étroits entre un regard régénéré sur le monde et l’obsession d’inventaire de ses formes les plus diverses avec une dimension sociale et politique assumée. En effet, le regard qu’ils portent sur ces paysages et ces architectures vernaculaires souvent dévaluées témoigne en creux des conséquences funestes des politiques récentes qui ont entraîné des effets de déclassement social et la désertification de nombreux territoires.

Pour L’Artothèque, les artistes ont conçu un dispositif inédit qui dialogue avec les caractéristiques de la salle d’exposition. Les éléments sculpturaux répartis dans l’espace et sur lesquels sont accrochées les photographies sont inspirés des brancards de procession que les artistes ont pu observer dans certaines chapelles dédiées à la protection des marins-pêcheurs. En écho aux événements historiques dont on célèbre cette année le 80ème anniversaire, ces éléments rappellent également les brancards utilisés par les armées lors du Débarquement de Normandie. Ils font également référence aux chevalets des peintres, objets transportables dont le rôle fut déterminant pour les impressionnistes.

D’autres modules sont des évocations de formes architecturales typiques de la région telles que le colombage ou le caillebotis. Ils sont aussi empreints des formes modernistes du design des années 50, à la fois modulaires et économiques. Une structure en damier accueille un polyptyque composé d’une série inédite de 20 photographies d’églises de la Reconstruction. Sur les murs, un système d’étagères met en relation des surfaces monochromes dont les couleurs entrent en résonance avec certains détails visibles dans les photographies : le rouge de la rouille d’un toit en tôle, le blanc crayeux des falaises….


On retrouve des évocations chromatiques dans les «Comètes» un ensemble de peintures qui ponctuent l’accrochage et qui offrent des contrepoints colorés aux photographies. Les formes épurées qui se détachent sur des fonds monochromes sabloneux dessinent des constellations minimales.


Pour chacune des régions naturelles explorées, Nelly Monnier conçoit et dessine un écusson qui synthétise sur quelques centimètres carrés certaines particularités architecturales ou paysagères. Aux 74 déjà réalisés viennent s’ajouter six nouveaux écussons édités pour l’exposition caennaise (Plaine de Caen / Bessin / Suisse normande / Bocage virois / Pays de Caux / Pays d’Auge). Le motif du Bessin reprend la forme de la comète de Halley visible sur la tapisserie de Bayeux tandis que la forme stylisée du viaduc de Cléçy devient l’emblème de la Suisse normande. La Plaine de Caen est quant à elle symbolisée par la silhouette du château d’eau de la Guérinière (Caen). Le souvenir de la guerre s’invite dans l’interprétation de certains motifs : le dôme du château d’eau évoque la forme d’un parachute tandis que la comète de Halley, dans sa forme verticale, convoque des images de bombardements.


Dans la petite salle sont présentées des peintures néo-impressionnistes comme les qualifie malicieusement Nelly Monnier. Elles dialoguent avec une étagère centrale permettant la consultation du volume 5 de l’ARN, dernier opus paru. Associant surfaces transparentes et opaques, la structure aux lignes sobres et étranges a été construite à partir d’un dessin généré par intelligence artificielle. Le recours à cette technologie a été amorcée par Eric Tabuchi en parallèle au projet ARN et a donné lieu à l’édition de The Third Atlas, ouvrage entièrement réalisé avec le logiciel Midjourney. C’est avec ce même logiciel que les artistes ont créé la risographie éditée par L’Artothèque et dont le titre est un clin d’œil aux fréquents bugs et autres aberrations que peut produire l’IA.


BIOGRAPHIES

Nelly Monnier est née en 1988, elle vit et travaille dans l’Ain et en Essonne.


Après une enfance rurale et des études de cinéma à Bourg-en-Bresse, elle obtient un DNSEP à l’ENSBA Lyon en 2012. Elle présente ensuite son travail, où peinture, dessin et récit abordent les rapports entre l’architecture, le décoratif et le paysage. Sa pratique est nourrie par de nombreux voyages notamment pour le projet Atlas des Régions Naturelles qu’elle mène depuis 2017 avec Eric Tabuchi.


Eric Tabuchi est né en 1959 à Paris, il vit et travaille en Essonne.


Né d’un père japonais et d’une mère danoise, son travail s’articule autour des notions de territoire, de mémoire et d’identité. Après des études de sociologie où il découvre l’œuvre d’August Sanders, Eric Tabuchi commence son travail photographique. En 1999, en compagnie d’autres artistes, il fonde à Paris le collectif Glassbox avec qui il participe à de nombreuses expositions.

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